« Raphaël, j’aimerai savoir. Pourquoi es-tu si introverti. Y’a-t-il une raison ? »

Assis face à… ce médecin ? Ce psychiatre ? Peu importe qui il était, Raphaël restait silencieux. Les jambes serrées, le dos droit, il fixait le bureau en bois massif tandis qu’il jouait nerveusement avec ses mains. Il n’aimait pas qu’on lui parle de lui, qu’on lui pose des questions. Encore moins dans un contexte comme celui-ci.

« Tu sais Raphaël, si tu ne me réponds pas ; aussi talentueux sois-tu, tu ne seras pas retenu. »

Un faible soupire s’échappa de ses lèvres, alors qu’il finissait enfin par relever la tête. Il voulait savoir ? Et bien il allait lui dire. Et tant pis pour le temps que cela prendra. Après tout, il n’avait qu’à pas lui poser la question s’il était pressé.

« D'accord, je vais vous raconter ... »

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Je suis né en France, à Paris plus exactement. Beaucoup de gens me disent que j’ai une chance incroyable en l’apprenant. Moi, je ne vois pas vraiment pourquoi. Quand on est encore qu’un nourrisson, quelle différence cela peut faire d’être né à tel ou tel endroit ? Ce n’est pas comme si on pouvait s’en souvenir… Enfin bref.
Je ne suis resté que trois ans en France, avant de partir pour Séoul. C’est un peu long à expliquer, mais pour que vous compreniez bien l’histoire je suis obligé de vous raconter ce détail. Ma mère, avant de connaître mon père avait eu un premier mari. Mais ce dernier est décédé dans un accident de voiture, si j’ai bien comprit. Avec ce premier mari, elle a eu quatre filles. Deux jumelles, puis deux ans et trois plus tard deux autres filles. Toutes coréennes forcément puisque son mari l’était aussi. Lorsqu’il est mort, elle a décidé de vivre sa vie comme elle l’entendait. Elle m’a dit un jour « la mort de mon premier mari a été un déclic pour moi ». Malgré sa famille qu’elle aimait, son métier ne lui plaisait pas. Et elle ne voyait pas l’intérêt de continuer. Alors elle a fait ce dont elle rêvait, ouvrir une galerie d’art. Elle a beaucoup voyagé pour son travail, et c’est à Paris qu’elle a rencontré mon père. Apparemment, cela a été un vrai coup de foudre pour eux deux. D’ailleurs, à peine 17 mois après leur rencontre, je venais au monde. Comme ils n’étaient pas mariés, j’ai eu le nom de ma mère. Et donc, lorsque j’ai eu trois ans, nous somme tous allés à Séoul, où mes parents ont finit par se marier.

Vous allez me dire, quel rapport avec ta timidité maladive ? Et bien je vais y venir, ne vous en faites pas. En grandissant, lorsque j’ai eu quatre ou cinq ans, je voulais jouer avec mes sœurs. C’est normal après tout, à cet âge là on commence par se développer et passer sa journée à jouer. Honnêtement, moi je m’en fichais de jouer à la poupée ou à autre chose, du moment que je n’étais pas seul. Mais mes demi-sœurs, elles ne m’ont jamais excepté. Ni moi, ni mon père. Pour elles nous étions deux étrangers. Comme mes parents étaient toujours très occupés par leur travail, ils n’avaient malheureusement pas beaucoup de temps à m’accorder. Je ne dis pas qu’ils me délaissaient, bien sûr que non. Mais comparé à d’autres enfants on peut dire que j’ai manqué d’attention, ne serait-ce qu’un peu. Alors en grandissant, j’ai fini par devenir ce que je suis. A l’école je restais toujours dans mon coin. J’avais peur de me faire des amis, qu’ils se lassent et me rejettent. Après tout j’étais inutile, un moins que rien. C’est toujours ce que j’ai pensé. J’avais beau essayer d’aller voir mes sœurs, elles trouvaient toujours une excuse pour m’écarter.
Je dois avouer, je leur en veux pour ça. Je les déteste. Encore aujourd’hui on passe notre temps à se disputer. Je ne dis pas que c’est entièrement de leur faute si je suis devenu comme ça mais… presque oui. Tout comme elles sont responsables de cette méfiance que j’éprouve envers les femmes. Je ne dirai pas que je suis misogyne. Après tout j’aime ma mère, et toutes nos voisines qui sont si gentilles. Mais… Les filles, non je ne peux pas. Moins j’en vois, mieux je porte.
Et puis durant mes années de lycée, mon père à finit par se rendre compte de son erreur. Enfin ça c’est ce qu’il me dit. Pour moi il n’a rien fait de mal. Il devait bien travailler n’est-ce pas ? Mais pour lui, c’est comme s’il avait déshonoré son rôle de père. On a alors commencé à passer pas mal de temps ensemble. Je dois avouer que ça m’a fait du bien. Petit à petit, j’ai commencé à m’ouvrir aux autres.

Ne me regardez pas comme ça. Je sais ce que vous pensez. « Ouvert aux autres, alors que tu n’essaies même pas de parler aux gens ?». Et bien figurez vous qu’avant c’était pire. J’étais vraiment seul et je ne faisais rien pour arranger ça. Maintenant, même si je ne vais pas vers les autres, quand ce sont eux qui viennent vers moi, et bien je leur réponds. Difficilement, mais quand même. Et puis si je n’avais pas changé, je ne serai pas là, en train de faire cette analyse pour voir si je suis capable d’entrer dans cette compagnie. Je suis un timide maladif, je le sais mais je sais chanter, je sais raper et surtout je sais danser. J’ai ma place au sein des Dwarf, je le sais.