L’après-midi touchait à sa fin lorsqu’Amy revint chez elle, les mains pleines de commissions et autres sacs. A peine avait-elle terminé les cours il y avait quelques heures que sa belle-mère l’avait appelée pour l’envoyer chercher diverses choses, « très importantes et très urgentes » comme Mme Kwon l’avait souligné en hurlant dans le combiné. Amy s’estimait déjà heureuse de que la bonne femme ne l’ait pas harcelée lorsqu’elle était en classe, car cela aurait été le comble du comble. « C’est moiiiiii. » Amy referma la porte derrière elle et se rendit d’un pas lent et machinal, traînant les pieds dans les pantoufles qu’elle venait d’enfiler, dans la cuisine. Là, elle déposa les nombreux sacs sur le comptoir et s’assit sur l’un des sièges qui bordait le meuble. L’Anglaise soupira longuement tandis qu’elle laissait tomber sa tête sur ses bras. Toutes ces tâches étaient devenues son quotidien et elle ne s’étonnait même plus de ne plus avoir de vie. Pourquoi elle n’essayait pas de s’enfuir ou du moins de se rebeller ? Parce qu’elle avait trop peur des représailles de sa belle-mère et qu’elle n’aurait aucun endroit où aller si elle partait. Yoo Jin et les filles avaient beau lui dire qu’elles étaient là pour ça, Amy ne voulait absolument pas être un fardeau. Et puis elle avait vraiment l’habitude de servir de domestique dans cette maison. Elle était d’ailleurs étonnée de voir que personne n’était descendu pour se plaindre auprès d’elle. Laissant là les cornets des courses, la jeune femme parcourut la maison à la recherche de sa belle-famille, jusqu’à ce qu’elle trouve Mme Kwon dans son jacuzzi. Cette dernière avait un Martini dans la main qu’elle sirotait avec délectation. Amy se retint de tout commentaire et, après une courte recommandation de sa belle-mère, redescendit au rez-de-chaussée pour ranger ce qu’elle avait acheté. Puis elle déposa les habits qu’elle avait été chercher au pressing dans les chambres des trois concernées et s’attela à préparer le repas du soir. Elle y passa une bonne demi-heure et une fois le repas terminé, Amy alla s’affaler dans le canapé. A peine avait-elle déposé ses fesses sur le moelleux sofa qu’elle s’endormit instantanément.

Elle rêva de Dae Sun. Dae Sun, ce populaire garçon à l’université dont les trois quarts des étudiantes étaient amoureuses. Amy bien sûr ne dérogeait pas à la règle, mais elle avait une bonne raison elle : il l’avait séduite lors d’un bal de charité, alors qu’il ne savait qui elle était. Il avait joué les charmeurs avec elle parce qu’il l’avait trouvée drôle, sympathique, chaleureuse… Du moins se plaisait-elle à y croire. Car elle pensait bien au fond d’elle qu’il n’espérait que de réussir à la mettre dans son lit. S’il était comme ça, il ne le savait pas, mais après tout, n’était-ce pas de cette façon dont agissaient toujours les garçons populaires dans les écoles, profitant de leur succès sans bornes ? Un coup de sonnette la fit soudain émerger de son rêve. Maugréant de se faire déranger lors de sa pause, Amy se précipita d’aller ouvrir la porte pour passer un savon à celui ou celle qui se trouvait derrière. « Non mais ça ne… » commença-t-elle alors qu’elle ouvrait la porte à la volée. Elle s’arrêta pourtant net en voyant la mine enthousiaste de Yoo Jin, sa meilleure amie. « Saluuuuuut ! C’est moi ! » La colère disparut instantanément pour laisser place à la joie. Amy était heureuse de voir son amie alors qu’elle était épuisée. « J’ai acheté plein de petit gâteaux dans une pâtisserie française et j’ai pleeeeiiin de chose à te raconter ! » L’Anglaise prit la boîte dans ses mains et sourit tandis qu’elle invitait Yoo Jin à entrer dans la maison. Elles se dirigèrent dans la cuisine où chacune s’installa sur un siège, l’une en face de l’autre. « Tu as de la chance, ce soir je ne travaille pas au restaurant. … Alors comme ça, tu as plein de choses à me raconter ? » répondit-elle en ouvrant la boîte et en regardant avec délice les pâtisseries que son amie avait apportées. Tandis que Yoo Jin commençait son histoire, Amy se leva pour aller chercher de petites fourchettes dans l’un des tiroirs. En argent les fourchettes, bien sûr. C’était fou comme sa belle-mère et ses demi-sœurs avaient des goûts de luxe. Si ça ne tenait qu’à Amy, elles auraient une petite maison, pas cette espèce de manoir qu’elles avaient acheté après le décès de son père. D’ailleurs, elle soupçonnait sa belle-mère d’avoir plus aimé l’argent qu’il possédait que M. Moon lui-même. Mais aujourd’hui il était mort et rien ne pourrait le faire revenir. Amy retourna s’asseoir avec les couverts en face de son amie et lui sourit. « Ah ! Au fait, tu veux rester manger ce soir ? Que je sache si j’ajoute un couvert quand je ferai la table… » la coupa-t-elle avec son sourire gêné. Elle écouta ensuite son amie continuer et hocha la tête de temps à autres, pour donner son approbation. Elle ne craignait qu’une seule chose : que sa belle-mère ou ses demi-sœurs n’arrivent pour lui donner de nouvelles tâches.